Les livres publiés en mars (c’est mon cas, je suis né le 16 mars 2020 où j’ai poussé mon premier cri libérateur le jour du confinement) et en avril ne trouveront pas de lectorat. Ils feront partie de la génération sacrifiée. Ils sont morts-nés ou plongés dans un coma éditorial qui n’a rien d’artificiel. Il n’y aura pas de perfusion pour eux. A l’aube du déconfinement, la nouvelle vague concurrentielle de livres recouvrira les lambeaux de papier de l’ancienne génération. Et pourtant…
Le confinement a été l’occasion pour bon nombre de lecteurs de lire des livres : les livres au format papier qui attendaient dans les fameuses PAL (Piles A Lire), faute de nouveautés, et/ou des livres numériques. Cette crise aura-t-elle accéléré la numérisation du secteur de l’édition ?
Pendant la crise du COVID-19, beaucoup de petits éditeurs ont été contraints de revoir leur stratégie et ont bradé leur catalogue. Des offres d’ebooks gratuits ou des ebooks à 0,99 € ont fleuri, avec l’aval des auteurs, çà et là où d’ordinaire un ebook, quand il ne s’agissait pas d’un vulgaire fichier pdf, était vendu 9,99 €, sans compter l’offre en auto-édition plus abordable. Les librairies et les circuits de distributions ont été fermés, les salons ont été annulés. Les portes des médiathèques étaient closes. Amazon a été « condamné » à ne vendre que des produits de première nécesité (ce qu’un livre n’est pas, comme quoi l’éducation et la culture sont deux mamelles distinctes). Est-ce à dire que la révolution numérique du livre est en route ?
Les français ne sont pas prêts à lire massivement des ebooks. La part de marché de l’ebook ne représente que 5% en France (hors professionnels et universitaires) alors qu’il représente près de 30% aux Etats-Unis sans pendre en compte les formules type Amazon Unlimited ou les différentes offres semblables. Le principal frein se trouve dans l’effet pervers de la loi sur le prix du livre unique en Europe.
Par ailleurs, le lecteur français reste attaché au livre broché, même s’il reste plus couteux à produire, à stocker, à diffuser et à promouvoir ; même s’il utilise du papier recyclé, ce qui n’est pas forcément plus écologique tout comme un livre numérique n’est pas forcément plus écologique non plus, mais c’est un autre débat.
La crise frappera durablement le monde de l’édition. Les petits éditeurs, ceux qui publient moins de 10 livres brochés par an, ne survivront pas. Certes des initiatives ont vu le jour dans lesquelles de petits éditeurs se sont associés à travers des actions locales. De même, beaucoup de librairies indépendantes fermeront boutique. Les petits paieront le plus lourd tribut.
Les grands éditeurs, malgré des difficultés conjoncturelles et les risques financiers assumés, survivront et ils concentreront davantage le marché. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir sur le devenir de ce que l’on appelle vulgairement Galligrasseuil, ils se répartiront les parts du gâteau et s’attribueront les médailles des prix littéraires. En revanche, il est probable qu’ils diminuent leur production (environ 100 000 livres sont publiés chaque année) et qu’ils recentrent leurs titres vers les auteurs rentables ou fétiches (quoiqu’un livre sur commande ne soit jamais » jouissif « ) ou les auteurs à papa le temps de la célébrité. Mais ils oublient une chose essentielle, surtout quand ils annoncent que l’industrie du livre (c’est l’appellation officielle) fait vivre plus de 50 000 personnes : c’est l’auteur – la matière première de cette industrie – qui n’est jamais recensé, qui les fait vivre et non le lecteur… quand l’auteur n’est pas autoédité, mais ça c’est encore une autre histoire.
Excellent article et malheureusement bonne analyse de la situation ; j’espère que les français reprendront rapidement goût à la lecture ; peut être que le confinement les aura fait réfléchir et qu’ils vont se rabattre sur les valeurs essentielles qui passent forcément par la culture sous toutes ses formes, notamment la redécouverte des livres et la quêtes de nouveaux auteurs contemporains ? Qui sait ? On peut toujours rêver… Je suis une grande idéaliste. En attendant, personnellement, il me tarde de découvrir, pour ma part, « la conjoncture de l’aubergine » ! Amitié, Sophie
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